lundi 28 janvier 2013

Le crépuscule des vieux...


" Des fois , j' ai hâte d' être vieux .
Ils sont bien, les vieux , on est bon pour eux , ils sont biens .

Ils ont personne qui les force à travailler ;
 on veut pas qu' ils se fatiguent .
Même que la plusssspart du temps , on les laisse pas finir leur ouvrage .
On les stoppe , on les interruptionne , on les retraite fermée 

On leur donne leur appréhension de la vieillesse et ils sont en vacances....

Ah ! Ils sont bien les vieux !


Et puis , comme ils ont fini de grandir ,
ils ont pas besoin de manger tant tellement beaucoup .

Ils ont personne qui les force à manger .

Alors de temps en temps ,
ils se croquevillent un biscuit
ou bien ils se retartinent du pain avec du beurre d' arrache-pied ,
ou bien ils regardent pousser leur rhubarbe dans leur soupe...



Ils sont biens...

Jamais ils sont pressés non plus .
Ils ont tout leur bon vieux temps
Ils ont personne qui les force à aller vite ;
Ils peuvent mettre des heures et des heures à tergiverser la rue ...

Et plus ils sont vieux , plus on est bon pour eux .
On les laisse même plus marcher...
On les roule...
Et puis d' ailleurs ,
ils auraient même pas besoin de sortir du tout;
ils ont personne qui les attendresse...
Et l' hiver...
Ouille , l' hiver !
C' est là qu' ils sont le mieux les vieux ;
ils ont pas besoin de douzaine de quatorze soleils...

Non !


On leur donne un foyer,
un beau petit foyer modique qui décrépite ,
pour qu' ils se chauferettes les mitaines...

Ouille , oui l' hiver , ils sont bien .
Ils sont drôlement bien isolés...
Ils ont personne qui les dérange .
Personne pour les empêcher de bercer leur ennuitouflé...

Tranquillement , ils effeuillettent
et revisionnent leur jeunesse rétroactive ;
qu' ils oublient à mesure sur leur vieille malcommode...

Ah! ils sont bien...!


Sur leur guéridon par exemple , ils ont une bouteille , petite , bleue .
Et quand ils ont des maux , les vieux ,
des maux qu' ils ne peuvent pas comprendre ,
des maux mystères ;
alors à la petite cuiller , ils les endorlotent et les amadouillent...

Ils ont personne qui les garde malades .
Ils ont personne pour les assistés soucieux..

Ils sont drôlement bien...!


Ils ont même pas besoin d' horloge non plus ,
pour entendre les aiguilles tricoter les secondes...

Ils ont personne qui les empêche d' avoir l' oreillette en dedans ,
pour écouter leur coeur qui grelinde et qui frisotte ,
pour écouter leur corps se débattre tout seul...

Ils ont personne qui...

ILS ONT PERSONNE..."


***



était un humoriste et un comédien Québecois...
Il est principalement connu
pour son personnage " SOL " 
le clown clochard...

Ses textes à la fois naïfs , poétiques et plein
d' humour ont toujours fait le bonheur d' un public qui aime jouer avec les mots
aussi bien au Canada qu' en France...!!
Le poème d' aujourd' hui
nous révèle son âme de poète...
J' aurais aimé vous le faire entendre mais
je ne trouve pas sa prestation...
Dommage...!




Bon , je vais prendre un rendez-vous chez le coiffeur...:-))


25 commentaires:

Alain Niala a dit…

Ça sent la Québécois... Tu dis qu'il était humoriste... mais cette fois-ci, ce n'est pas de l'humour... c'est la vérité ! Et que c'est beau d'habiller des mots comme "personne qui les attendresse... leur vieille malcommode... ils les endorlotent... et les amadouillent... empêcher de bercer leur ennuitouflé..."
Hélas, une phrase qui n'est pas habillée du tout et souvent tellement vraie : "ILS ONT PERSONNE" !
Très beau texte à mettre dans le registre de celui de Jacques Brel : "Les vieux".
J'aime aussi le retour sur terre quand tu dis : "Bon, je vais prendre un rendez-vous chez le coiffeur" ! ça décoiffe !
Bisous Mathilde !

Passion a dit…

extra! je ne connaissais pas cet artiste, mais c'est une découverte qui appelle à en entendre davantage
Ce texte me touche, j'envie ces mots dont il joue...c'est vraiment beau
merci du partage

Simplement ... a dit…

Moi aussi !
J'ai besoin de me "rebooster" le moral ...
Gros bisous Mathilde
Marie-Ange

Des mots qui ne font pas sourire, juste réfléchir ...
Je ne connaissais pas cet artiste à l'humour bien mélancolique

Lily a dit…

Ah, j'aime beaucoup ce mélange humoristico-mélancolico-poétique ! Les paroles sont parfois à la limite du vrai pour dire le plus que vrai ou le vrai qui est souvent tu lorsqu'il dérange. Bon, moi faudrait que j'envoie une carte ou une photo à une p'tite dame en maison de retraite.

Marie-Paule a dit…

On n'a malheureusement pas trouvé d'autre moyen de vivre que de vieillir (!!)mais beaucoup trop le font dans de très mauvaises conditions, physiques bien sûr, mais aussi psychologiques. Que cela doit être dur de sentir que l'on est devenu dépendant, de trop, gênant. Ce texte est très beau mais met le doigt sur une réalité qui l'est beaucoup moins.
Reviens nous toute belle du coiffeur Mathilde!
Bisous.8791eschedc

Den a dit…

Touchée en plein coeur, Chère Mathilde... émue par trop de vérité.. difficilement acceptable, parce que bousculant quelque part..
Très très beau texte, remuant.
De gros bisous.

Fifi a dit…

A la fois triste et tendre ! Et terriblement réaliste !
Belle mise en page avec les vieux arbres noueux et le vieux clown poète ! Toujours un moment de bonheur: venir chez toi !
PS
J'aime ta nouvelle bannière.

Denise a dit…

C'est un très beau texte Mathilde qui est en fait la réalité... Merci de ce magnifique partage avec les mots de Marc Favreau et le choix de tes photos.
Bises de belle soirée

Didi a dit…

Ce qu'il est beau ce texte ! Je l'ai lu tout haut !
Merci pour cette découverte
Bisous et bonne soirée

Plumes d Anges a dit…

C'est un magnifique poème, plein d'une belle humanité, je vais aller à la découverte de ce Sol qui en plus, a un beau visage... Tes photos d'arbres sont somptueuses, de beaux vieux arbres avec de belles vieilles racines... comme nous ? Bises du soir. brigitte

Mathilde a dit…

@ toutes et tous...a
Un clic sur son nom en vert dans mon billet , pour en savoir plus sur ce personnage si attachant ,qui est mort en 2005...il me fait un peu penser à Grock...
Comme c' est loin tout ça...!! :-))

Enitram a dit…

Découverte d'un poète qui en dit long sur les seniors (pour faire "in")
Que ses mots bien choisis font frémir et pourtant on devine cette sensibilité à fleur de mots sans oublier un certain humour...
Tristesse de la vie qui se termine pour tout le monde de la même façon, enfin presque !
Mais je pense que cette mélancolie cache un grand amour de la vie avec parfois une certaine dérision...
Bon mercredi toute belle !
Bises

Nathanaëlle a dit…

Très touchant et beau texte...
Ta première photo me fait penser à Phylémon et Baucis...
Merveilleuses photos pour illustrer ce moment chez toi..
Bisous Mathilde !

Aifelle a dit…

Je ne le connais que de nom, il joue joliment avec les mots jusqu'à la dernière phrase qui nous cueille par surprise. Très beau texte. (j'espère que tu es contente de ta visite chez le coiffeur).

LOU a dit…

C'est tout ce nous ne voulons pas pour notre mamine...

Fifi a dit…

Je viens de passer une bonne heure avec les textes de Marc Favreau et des vidéo sur youtube. Et j'y reviendrai plus tard. Quel beau talent ! Je ne connaissais pas.
Merci ma Mathilde !

magda a dit…

Very beautiful tribute to the elderly, dear Mathilde!
Moving pictures and your wonderful!
Many greetings and kisses

Céline a dit…

Superbe la première photo ! :)))

Framboise 44 a dit…

je ne connaissais " sol " mais c'est criant de vérité et les mots détournés sont bien choisi !
vraiment super beau ce texte , il touche en plein coeur

Veronica B a dit…

"Ma petite vieille" préférée :))) quel humour et quelle tendre poésie touchante oui dans les mots du clown poète ... J'apprécie que tu nous le donnes à lire comme on l'entendrait conter et dire avec l'accent ... toi qui es si jeune et moderne et belle ! sur la branche des jours ...
Je t'embrasse et tu n'es pas seule, tu es une fleur d'aime haut et je pense à toi !

naline a dit…

Merci pour cette belle découverte ! Belle semaine à toi !

ELFI a dit…

j'ai vu et aimé le spectacle poétique de favreau à lausanne..inoubliable!
...un beau blog!

lydaine a dit…

Bonjour Mathilde,

Je reviens dans mon p'tit coin de Bretagne, des accents québécois plein le coeur,
tout juste frais cueillis pour parfumer ce texte.
J'aime ces notes nonchalantes qui sous leur air débonnaire, raconte de si près les aspérités de nos quotidiens ordinaires.

Ces dernières semaines, j'étais en famille pour qu'ensemble, nous soyons là, auprès d'une dame en partance.
Elle avait 80 ans passés
tout comme la dernière du p'tit groupe de ses amies
venue nous rejoindre un après-midi,
pour accompagner nos adieux.
Celle-ci,
avec qui j'ai pris ce beau temps de l'échange,
m'a dit sa famille, ses enfants, ses petits et arrière-petits enfants, son quartier, ses p'tits tracas et p'tits bobos,
mais m'a surtout confié combien Denise lui manquerait.
"Seuls ceux de notre âge savent et respectent cette liberté et désir d'être qui restent toujours en soi,
les autres sont toujours trop pressés de nous croire anesthésiés de tout".

Moi qui vis au quotidien le bel élan de mon père octogénaire,
qui l'entends chanter sous la douche dès le matin,
cliquer, heureux, sur son clavier ou son appareil photo,
sourire en mots choisis
et savourer chaque heure venue,
je m'interroge...
Qui de lui ou de moi vit au plus près de l'horloge et en reçoit le mieux le présent offert?

Il a la discrétion de ceux qui n'ont plus besoin de se dire,
la pudeur de ceux qui n'ont plus le besoin de se prouver,
la lenteur de ceux qui n'ont plus besoin de courir,
le sourire confiant de ceux qui n'ont plus pour projet que celui de bien vivre...

Est-ce assez pour nous laisser croire que ceux qui, comme lui, se sont déjà trop éloignés de nos turbulences
sont devenus trop différents pour pouvoir être encore de nos heures?

Je crains, Mathilde, que notre petit monde ne se fourvoie encore bien trop, si pressé et content de se satisfaire du convenu ambiant.

M'oui... Tout cela me laisse encore si songeuse...
Tout comme le choix de vos photos,
j'aime tant leur belle évidence.

Votre billet m'a emmenée ou... Plutôt ramenée à ces pensées d'hier,
je suis heureuse d'avoir pu échanger un peu de mes sentiments et émotions avec vous.

Merci Mathilde,
je vous embrasse,
Lydaine.

Unknown a dit…

Chère Lydaine
Merci ...de tout coeur Lydaine ...merci
Lors d' une escapade dans votre univers , j' avais bien compris que les heures qui vous attendaient allaient être fortes en émotions et sur l' instant je n' ai su quoi vous dire , me promettant de revenir...:-(
Les liens d' amitié qui se dénouent lors du grand départ , comme cela doit être difficile...
Votre coeur , sans le savoir , prépare aussi le mien à cette épreuve ..peut-être..?
Votre réflexion sur ce sujet grave qu' est
" la vieillesse "
m' a profondément émue...
Pour garder une vision optimiste de cet état , je dédie à monsieur votre père ces quelques mots

" (...) Jeune est celui qui s' émerveille . Il demande
comme l' enfant insatiable : et après ?
Il défie les événements et trouve de la joie au jeu de la vie .

Vous êtes aussi jeune que votre foi .
Aussi vieux que votre doute .
Aussi jeune que votre confiance en vous même .
Aussi jeune que votre espoir .
Aussi vieux que votre abattement .

Vous resterez jeune tant que vous resterez réceptif .
Réceptif à ce qui est beau , bon et grand .
Réceptif aux messages de la nature , de l' homme et de l' infini ...Général Mac Arthur

mais je suis sure qu' il les connaît..! :-))

Puissions-nous toujours être capable de vivre pleinement les surprises des jours, bonnes ou mauvaises...Elle est tellement belle la vie...:-))

Je garde vos lignes précieusement tant elles m'ont touchée...
Pour tout ...merci
De tout coeur , moi aussi je vous embrasse.

Unknown a dit…

J’ai grandi avec les textes de Sol, cela fait presque 15 ans déjà depuis son départ et ses textes sont encore d’une actualité qui surprend et parfois dérange lorsque Favreau cogne sur la tête de ce clou ( la vieillesse, le milieu hospitalier, la politique....) je l’ai rencontrée dans un salon du livre à Montréal, sa chaleur, son côté humain et attachant... ça peut paraître idiot mais Sol me manque... et Plus le temps passe, moins il semble que les gens se rappelle de ce poète... ce qui me rends un peu triste...

Pour en savoir plus sur Sol, 2 livres:

« Presque tout Sol » textes complet de Marc Favreau

- Georges-Hebert Germain: l’homme au déficient manteau: Biographie sur la vie et carrière de Marc Favreau