La nuit est bien avancée quand je termine son petit livre ...
C'est l' été , une dizaine d' hommes et une femme
vers la fin de leur vie sont réunis .
Ils sont complices d' une jeunesse commune .
Les lumières sont absentes seule la lune et les étoiles éclairent cette fin de diner ,
cachant ainsi les ravages du temps ...!
On saura d' eux ce que nous en dira Elsa ...
La nuit se peuple d' ombres ... ce qui fut se mêle à ce qui est ...!
Se souvenir ... oublier ... rêver ...
Elle se dévoile ... elle se cache ... elle voyage dans le temps ,
avec au coeur le chant d'un rossignol ...
Avec elle , je me suis endormie , redécouvrant des souvenirs oubliés ...
Un autre " rossignol "
tout là-haut perché
dans mon grenier
me chantait alors un air de jeunesse .
La vieille loco glissait doucement sur les rails du temps ...
Les rêves d' Elsa étaient devenus un peu les miens ...!
" Je suis dans un train .
Ça m' aurait étonnée qu' une nuit dans un train ne fut pas une Nuit .
Tous mes rêves se passent dans la nuit , sont des Nuits . (...)
Le quai est mal éclairé , passent des kiosques roulants , sandwiches et journaux ,
" de l' autre côté du quai , un train encore essoufflé d' avoir couru ,
dégorge ses passagers
dans cette sorte de brouillard jaune des réverbères ( ...)
Le wagon restaurant est au diable .
Je me cogne aux cloisons , épaule gauche contre épaule droite ,
les couloirs sont combles ,
les gens nous laissent passer comme à regret , occupés d' eux-mêmes,
ils papotent , ils fument ...
" je trébuche sur des valises , les accordéons entre les wagons ,
les plaques métalliques sous les pieds, mal jointes frottent l' une contre l' autre ,
j' ai les gants rayés par la suie des rampes ,
les lourdes portes résistent , me reviennent dessus . (...)
Au retour , les couloirs sont déjà vides , les voyageurs installés .
Je décroche un store qui s' envole en s' enroulant ,
mais la nuit noire fait de la vitre un miroir ( ... )
" le wagon roule , cogne ,
on passe sur un immense réseau de rails ,
la locomotive choisit son chemin , crie , me transperce (...)
" J' appuyai mon front contre la vitre froide , le train ralentissait , allait s' arrêter.
Un homme de la SNCF longea le couloir vide ,
balançant une lanterne , pressé , nocturne , sans nous jeter un regard .
Le train reprit sa course ,
se remit à piquer le paysage comme une machine à coudre ,
laissant derrière lui des kilomètres d' étoffe bleu-noir . ( ...)
Vient l' aube .
La rossignol se tait , et cette nuit qui contenait toutes les autres se meurt
défaite par la clarté du jour ... "
Elsa Triolet
- Le rossignol se tait à l' aube -1970-
***
Comme elle , je me suis réveillée ,
heureuse d' avoir entendu le chant de notre " rossignol " tout là-haut perché ...
si amoureusement fabriqué ... il y a bien longtemps ... :-)
À regret j' ai rangé mon escabeau ...
même la neige est tombée en poussière ... !!