vendredi 9 novembre 2012

Elle s' appelait Marie-Jeanne...


 En 1915 ,
" C' était la nuit , une nuit claire et tranquille 
dans un secteur accidenté coupé de crêtes et de marais...
dans les fonds sous les peupliers il flottait l' arôme laissé par les derniers gaz..."

Teilhard de Chardin



En 1920
Marie Jeanne Nézet habite
Forêt-Fouesnant
La guerre lui a pris trois de ses fils
Jean , Pierre et Christophe ;
son autre fils Yves
a eu plus de chance
il est revenu gazé
tout comme son gendre , Mr Bouhris
qui en prime est rentré les pieds gelés...


Les Fouesnantais  décident alors
d' immortaliser ces événements tragiques par la construction d' un monument au souvenir des 180 jeunes morts pour la France mais surtout de rappeler la souffrance des mères touchées de plein fouet  tant dans leur vie affective que matérielle...
 Marie-Jeanne a été choisie parmi trois Fouesnantaises ayant perdu chacune trois enfants
Mr le Maire et Mr le Curé
furent chargés d' obtenir son accord...
Elle a beaucoup hésité
 et plus tard elle regrettera son " oui " car disait-elle :
" ...maintenant tout le monde peut me voir.."
Modestement elle souffrait d' être ainsi exposée...


Mr René Quillivic originaire de Plouhinec
statuaire de son état
fut chargé de réaliser le monument en granit de Kersanton .
Fils de marin-pêcheur il est né au milieu des humbles ,
la douleur , le chagrin et la foi lui sont familiers .



Pendant quinze jours tous les après-midi
Marie-Jeanne pose devant l' artiste ,
la période de deuil n' est pas terminée, elle est de noir vêtue
et porte une petite coiffe de deuil " koef bajen "
en coton blanc légèrement amidonnée , sans dentelle...
Il a su si bien la représenter accablée devant la folie meurtrière des hommes...




Marcelle Duba , en Juin 1965
nous la disait ainsi ,


Marie-Jeanne



" C' est la vieille maman de la terre bretonne
Qui pleure sur ses fils tombés au champ d' honneur
Visage buriné par l' âge et la douleur ,
Que je veux saluer sous le ciel monotone

Seule ...point de soldats ou d' ange qui claironne ,
Monument sobre , unique et de telle valeur
Qu' on admire en passant la femme et le sculpteur
Déposant à leurs pieds une même couronne .

Adossée à l' église et face au cimetière ,
Coiffe de deuil , debout , recueillie , en prière ,
Marie-Jeanne , mère immortelle de Fouesnant ,

Du pays tout entier n' est-elle pas l' image ?
Gravité , force et grâce , où l' esprit va glanant ,
Des bois remplis d' oiseaux au féérique visage .


***


" En vérité , à la vitesse où sa conscience et ses ambitions augmentent , le monde fera explosion s' il n' apprend à aimer . L' avenir de la terre pensante est organiquement lié au retournement des forces de haine en forces de charité...
                                                                                    
                                                                   Teilhard de Chardin 
                                                                                        -  Hymne de Univers -
                                                                                                                                     

23 commentaires:

Alain Niala a dit…

Très très émouvant billet, Mathilde !
c'était une grande dame malgré sa petitesse. Comme elle a dû souffrir en perdant ses fils... tout ça à cause de la connerie des hommes...
Je t'envoie des bisous émus, Mathilde !

Anonyme a dit…

Très émouvant ...Mon 1° fils est capitaine des paras, et il est allé 6 mois longs en Afghanistan, je peux comprendre le chagrin de cette femme. toute les familles de France perdirent un papa, un mari, un fils, deux, trois.. Ma maman vécu 3 ans dans un village pyrénéen sans voir un homme sauf des vieillards et des tout-petits garçons...
On approche du 11 novembre.....As-tu lu Les lettres des poilus? Il faut le faire.
Mille amitiés à toi ..
Bisous, bon week-end!
Anne
L' Artis-Anne quilt007.free.fr /

thyflo a dit…

quel article émouvant !! aujourd'hui c'est l'anniversaire de ma maman et je souffre pour Marie Jeannne dont on se souviendra longtemps de sa souffrance de mère . un bel hommage rendu !

louli a dit…

C'est un billet très émouvant ! Je me demande toujours comment des personnes ayant subi de si douloureux évènements ont pu, malgré tout, continuer à vivre...J e vous salue bien bas Marie-Jeanne

Fifi a dit…

J'admire l'oeuvre de cet artiste qui a su rendre avec autant de délicatesse ce visage de chagrin ! Et j'espère que nous puissions nous convertir selon le souhait sage et pressant de Teilhard de Chardin.
Merci Mathilde ! Bisous de bonne fin de semaine !

Aifelle a dit…

On ne se rend plus très bien compte aujourd'hui à quel point cette guerre a "saigné" toute la population mâle, frappant lourdement chaque famille. C'est la moindre des choses de le rappeler par cette humble sculpture.

Lolo ©ByLolo a dit…

Très bel article :-)
Bizz, Lolo
http://ptitesphotosdelolo.blogspot.fr/

Den a dit…

Bel hommage à cette maman de la terre bretonne dont les fils sont tombés à la guerre.. que de souffrance !
merci Mathilde de se souvenir...
bisous amicaux bien émus.

Enitram a dit…

La dernière guerre !! Soit disant ! Qui a fait des milliers de morts pour des prunes !
Il faut dire aux jeunes que la guerre n'a jamais solutionné les conflits !
Billet très émouvant Mathilde pour le 11 novembre!
Bises

Nathanaëlle a dit…

Merci Mathilde d'avoir pensé à ces milliers de Marie-Jeanne que cette guerre et tant d'autres ont détruit la vie et les espoirs. 14-18 ou "quand la bétise humaine ravage le monde". Que de souffrance pour ces femmes, sans oublier ces hommes dans les tranchées. Et si, d'un coté comme de l'autre des frontières, ils avaient tous refusé d'aller au casse-pipe ? Cela aurait été un camouflet à ces militaires qui voulaient diriger le monde.
Pour cette femme, Marie-Jeanne dont la vie n'aura été que chagrin, j'espère que le Paradis lui est doux.
Puisse le visage de Marie-Jeanne rappeler à jamais ce triste passé à ne pas oublier.
Très bel hommage, merci Mathilde.
Bisous et bon dimanche.

lydaine a dit…

Mathilde,

Je n'ai pas les mots...
Entre hier et ailleurs,
ces souffrances sont toujours présentes.
Et entre mémoire et utopie,
notre impuissance ne cesse pourtant d'espérer.
Honorer le bonheur ordinaire est ce qui me reste de plus précieux pour vaincre la douleur de mes aïeules
et rester attentive aux détournements de mes convictions est ma façon de combattre ces guerres qui n'en finissent jamais.

Est-ce assez ?

Puissance et fragilité ne cessent de se tenir sous le même bouclier lorque seuls l'acquis, les richesses et idéologies tracent les frontières.

Je crains que les femmes ne pleurent encore longtemps.

Si... J'avais quelques mots,
mais ils sont si dérisoires.

Pouvoir les partager aide à continuer d'y croire.
Merci Mathilde.
lydaine.

Fifi a dit…

De beaux commentaires en retour de tes belles et touchantes pages !
Schmoutzele du soir, Mathilde !
:-)

Anonyme a dit…

Bonjour Mathilde,
Me permettrez-vous de mettre, comme vous me l'aviez permis à l'anniversaire de Papy Louis, (en respectant au mieux la mise en page et en faisant référence - avec liens qui vont bien, évidemment-) votre billet du carnet concernant Marie-Jeanne? en effet, je n'ai pas assez décrit, sur le site de Papy Louis, la souffrance des femmes et mères, à l'exception de la page "pupille de la nation" et je trouve que cette page du carnet est si révélatrice.
Voici le lien que je vous propose
http://themasq49.free.fr/index_fichiers/centenaire/papylouis_mathilde_corrine_2012.htm
Je comprendrai si vous ne le souhaitez pas.
Très bonne fin de week end Amicalement François

Mathilde a dit…

Les passionnés de l' histoire du siècle passé doivent aller rendre visite à Papy Louis...C' est une mine d' or

http://themasq49.free.fr/index_fichiers/PapyLouis.htm

Merci François

Thérèse a dit…

Quelle humble statue! Si ce message pouvait atteindre tous les recoins... À toutes ces familles qui ne cessent aujourd'hui encore de plier sous le poids des disparitions.

Plumes d Anges a dit…

J'avais fait un comm... il a disparu au moment où je voulais changer un mot... Pas de chance, mais peut-être l'as-tu reçu ?
Cette magnifique statue parle au nom de toutes ces femmes qui souffrent dans leur chair, un jour la folie des Hommes la verra sur son chemin, et prendra conscience que la vie est bien autre chose, il faut y croire !!! Bises Mathilde. brigitte

Denise a dit…

C'est un très beau et touchant billet, Mathilde que je viens de lire. Je pense à toutes ces femmes qui ont perdu leur mari ou leurs enfants à la guerre et je les admire profondément d'aller de l'avant.
Merci Mathilde de ce magnifique hommage.
Bisous de belle semaine!

Veronica B a dit…

Tellement touchée, elle aurait pu une de mes grands-mères, je lis tous ces prénoms que j'ai connus dans ma famille, je sens l'atmosphère bretonne que tu recrées à merveille, je sens la force du caractère breton, la rudesse de la vie en ce temps de guerres, merci pour tout ma chère Mathilde, je suis émue jusqu'au fond des racines.

Bonheur du Jour a dit…

Je suis très émue en lisant ce billet. Cette statue est très émouvante, et cette femme était très belle. Quand donc les guerres s'arrêteront-elles ? Marie-Jeanne symbolise magnifiquement la souffrance et le gâchis de jeunes vies.

♪♫♥..♫♥__♥♥*¨¨*¤**•:*¨¨*:•♥.•:*¨¨*:•♫♥ a dit…

hello et c'est superbe.... !!! que de noms sur ce monuments.... !!
elle souffrait d' être ainsi exposée...et je la comprends....

bel article merci merci

Framboise 44 a dit…

c'est très émouvant mais c'est aussi un bel hommage pour toutes ces mères courageuses et qui n'ont pas eu le choix de leur vie ...

Mine Derrien a dit…

Pour toi, un de mes dessins qui aurait pu représenter Marie-Jeanne, n'est-ce-pas ?

Je rejoins le commentaire de Lydaine qui semble avoir encore disparu...

Unknown a dit…

Bonjour je suis très fière de ma arrière grand mère